La société du spectacle

"Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production
s'annonce comme une immense accumulation de spectacles."

Lorsque Guy Debord écrit "La société du spectacle" (1967) à l'aube des mouvements révolutionnaires de mai 68, le capitalisme est en plein essor. Il poursuit la pensée du "Capital" de Marx sur le fétichisme de la marchandise en y ajoutant la notion de spectacle. L'essai politique est dense et riche de concepts, retentissants tous de façon très contemporaine avec l'état du monde en 68. 

Lorsque Mary Sue réalise l'installation vidéo éponyme au livre de Guy Debord en 2017, elle intercepte par analogie les éléments "culturels" de l'essai critique en les transposant à l'échelle du marché de l'art. Initialement prévue pour être montrée sur les foires d'art contemporain, cette oeuvre s'exclut du marché (de la vente, et donc du spectacle) en ne proposant que sa monstration.
Endossant le rôle de la saltimbanque, de la bouffonne, le personnage caricature un mendiant des rues en pleine représentation. Un chapeau placé devant l'écran qui diffuse un pseudo savoir-faire artistique invite les spectateurs (potentiellement collectionneurs et/ou mécènes) à apporter leur soutien à la Création en y versant de l'argent. La performance grotesque du personnage (jonglerie truquée, claquettes amateures et morceau de flûte à peine audible) invite à réfléchir sur la qualité d'une oeuvre et sa valeur intrinsèque.
Par analogie, la structure d'une foire d'art est le miroir de l'architecture urbaine. Alors que les stands des galeries représentent les maisons, les allées rappellent les rues. L'installation, placée négligemment au sol sur un carton est à la frontière de ces deux mondes, à la manière d'un semi sans domicile fixe, comme pour signifier la complexité et la fragilité de l'artiste dans sa connexion au monde (de l'art) via le prisme du marché.

Sous ses airs futiles, l'installation vidéo est une réflexion brutale sur la position de l'artiste, son existence et le potentiel marchand des oeuvres qu'il crée, sur les acteurs culturels de ce marché et sur le concept même de "valeur" d'une oeuvre. 
Elle fut présentée et soutenue pour la première fois à Independent Art Fair à Bruxelles en 2018 par la galerie The Merchant House.

Si chez Debord " Le vrai est un moment du faux* "  ici, c'est le simulacre et la caricature de l'artiste amusant la galerie qui  relaie " le faux comme moment du vrai. "

*(Thèse 9 / Chapitre 1 / La société du spectacle)

(à gauche) Vue à Independent Art Fair, Bruxelles, 2018
(à droite) Détail de l'installation : chapeau, argent.

Vue de l'emplacement de l'oeuvre sur le stand de la galerie.
 The Merchant House, Independent Art Fair, Bruxelles, 2018

La société du spectacle
Installation vidéo, mixed media
Carton, chapeau, chien en peluche mécanique, argent
Vidéo HD pour écran plat, son stéréo, durée illimitée, 2017

La société du spectacle
Vidéo performance HD pour écran plat, son stéréo, durée illimitée, 2017

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